Midi
Charles-Marie René Leconte de Lisle
Midi, Roi des étés, épandu sur la plaine,
Tombe en nappes d'argent des hauteurs du ciel bleu.
Tout se tait. L'air flamboie et brûle sans haleine ;
La Terre est assoupie en sa robe de feu.
L'étendue est immense, et les champs n'ont point d'ombre,
Et la source est tarie où buvaient les troupeaux ;
La lointaine forêt, dont la lisière est sombre,
Dort là-bas, immobile, en un pesant repos.
Seuls, les grands blés mûris, tels qu'une mer dorée,
Se déroulent au loin, dédaigneux du sommeil ;
Pacifiques enfants de la Terre sacrée,
Ils épuisent sans peur la coupe du Soleil.
Parfois, comme un soupir de leur âme brûlante,
Du sein des épis lourds qui murmurent entre eux,
Une ondulation majestueuse et lente
S'éveille, et va mourir à l'horizon poudreux.
Non loin, quelques boeufs blancs, couchés parmi les herbes,
Bavent avec lenteur sur leurs fanons épais,
Et suivent de leurs yeux languissants et superbes
Le songe intérieur qu'ils n'achèvent jamais.
Homme, si, le coeur plein de joie ou d'amertume,
Tu passais vers midi dans les champs radieux,
Fuis ! la Nature est vide et le Soleil consume :
Rien n'est vivant ici, rien n'est triste ou joyeux.
Mais si, désabusé des larmes et du rire,
Altéré de l'oubli de ce monde agité,
Tu veux, ne sachant plus pardonner ou maudire,
Goûter une suprême et morne volupté,
Viens ! Le Soleil te parle en paroles sublimes ;
Dans sa flamme implacable absorbe-toi sans fin ;
Et retourne à pas lents vers les cités infimes,
Le coeur trempé sept fois dans le Néant divin.
Noon
Charles-Marie René Leconte de Lisle
Noon, king of summers, spreads over the plains
Falling from heights of blue in sheets of silver.
All is quiet. The air blazes and burns, no breath remains,
The Earth sleeps on in its robes of fire.
The scope is wide, the fields no longer shaded,
The well dried up where herds have drunk.
The far off forest, its sombre edges braided,
Sleeping there, immobile, in deep repose has sunk.
Only the wheat, tall and ripe, spreads into the distance
Like a golden sea, all slumber disdaining,
The peaceful children of the sacred earth its resemblance
Who fearlessly quaff the chalice of sun they are draining.
Sometimes, like a breath from their burning soul,
From the depths of the full ripe ears that whisper together
A slow and majestic ripple awakes to scroll
To the dusty horizon where it dies forever.
Not far away, amongst the grass, the white ox lies
Where, slowly, drips from thick dewlaps are spilled
And follows with superb and languishing eyes
The intimate dreams that are never fulfilled.
Man, if with joy or bitterness filling your heart,
You spent midday in the radiant fields,
Flee ! Nature is empty and the sun will nothing impart:
Nothing lives here, neither sadness nor joy is revealed.
But if, disillusioned with tears and laughter
And, finding the restless world perverse,
You want to taste a supreme and dreary pleasure,
Knowing neither pardon nor curse,
Come ! The sun speaks to you in words of pure gold;
Devote yourself without end to its relentless flame;
And, slowly, return that heart, strengthened sevenfold
In divine oblivion, to cities of little acclaim.
Translation: © David Paley
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